En utilisant des capteurs sonores intelligents, une équipe de recherche a montré une réduction de moitié du trafic à Genève lors du premier confinement. Ce projet pourrait contribuer aux futures politiques de mobilité urbaine.
TEXTE | Clément Etter
Durant le premier confinement de mars 2020, les rues genevoises sont devenues pratiquement silencieuses. Une impression confirmée par les mesures du trafic routier récoltées par une équipe de recherche de la Haute école du paysage, d’ingénierie et d’architecture de Genève – HEPIA – HES-SO, en collaboration avec la startup Securaxis. En utilisant un capteur sonore intelligent, une réduction de 50% du trafic a été observée. Ces capteurs de Securaxis sont basés sur l’intelligence artificielle. Ils peuvent notamment cataloguer les véhicules en fonction du bruit qu’ils émettent: voiture, camion, bus. Il leur est même possible de reconnaître la marque du véhicule. L’intelligence du capteur est représentée par un réseau de neurones artificiels. Pour la développer, il faut d’abord passer par une phase d’apprentissage. Durant celle-ci, une caméra est utilisée pour associer l’image du véhicule au son détecté par le micro du capteur. Une fois la caméra retirée, le capteur est capable de reconnaître le véhicule uniquement grâce au son. HEPIA apporte son savoir-faire dans les domaines des systèmes embarqués et des solutions edge-cloud. «Ces dernières sont particulièrement utilisées dans le déploiement des applications pour objets connectés, ou internet of things. Les technologies edge-cloud permettent de décharger le cloud, de traiter les données là où elles sont générées, ainsi que de réduire le trafic réseau», indique Nabil Abdennadher, professeur à HEPIA et responsable de l’Institut d’ingénierie informatique et des télécommunications.
La mesure d’un quartier calme
Un capteur a été installé en juillet 2019 dans le quartier de la Servette à Genève, à la rue du Jura. «Au départ, l’objectif était surtout de mesurer le trafic en comptant et en cataloguant les véhicules, précise Nabil Abdennadher. La période Covid-19 nous a permis pour la première fois d’obtenir une mesure objective d’une rue ou d’un quartier calmes. Le premier confinement a donc servi à établir une mesure de référence pour étudier la pollution sonore dans un environnement particulier, c’est-à-dire une petite rue limitée à 30 km/h. Il serait évidemment intéressant de regarder les données du deuxième semi-confinement.»
Pour la suite, et dans le cadre d’un projet Innosuisse récemment accepté, le capteur sera intégré dans une plateforme digitale qui sera déployée à l’échelle d’une ville, avec des usages multiples: mesure et catégorisation du trafic, gestion de l’éclairage public, construction d’une carte sonore de la ville… L’intelligence du capteur dépend de son environnement, car le revêtement, la saison ou encore la vitesse modifient le son produit par un véhicule. Pour répondre à ce défi, la plateforme digitale disposera d’une «bibliothèque» d’intelligences spécifiques à chaque environnement (zone résidentielle, grande artère, zone 30 km, pluie, neige…). Elle fournira aux capteurs l’intelligence qui correspond à leur environnement et pourrait aussi l’adapter en fonction des changements dans le temps et l’espace.
À la ville de s’adapter ? À l’heure actuelle, les données de tels capteurs sont déjà utilisées pour adapter l’éclairage public à l’importance du trafic, permettant de réaliser 30% d’économie. Combiné à des données d’analyse de l’air, ils renseignent aussi sur la qualité de l’air en fonction du trafic. À l’avenir, le capteur pourrait être utilisé comme radar sonore et pour estimer la pollution sonore. Du côté des développements urbains, les politiques d’aménagement du territoire pourraient se référer aux différentes mesures du capteur. Reste à décider s’il faut adapter l’aménagement en fonction de la pollution sonore ou plutôt concevoir et mettre en place un aménagement du territoire qui limite la pollution sonore.