Escape games : quand la technologie rencontre l’imaginaire

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Fini les cadenas ou les simples puzzles en bois : les escape games sont devenus des expériences immersives qui intègrent des dispositifs techniques sophistiqués. L’entreprise HouseTrap a collaboré avec des ingénieur·es en mécanique, en électronique et en informatique pour concevoir une nouvelle salle à Fribourg.

TEXTE | Geneviève Ruiz

On compte désormais près d’une centaine de salles en Suisse romande. L’essor des escape games, entamé il y a une quinzaine d’années, semble ne pas vouloir s’arrêter. Ces expériences immersives, où énigmes et course contre la montre s’entremêlent, plongent les joueuses et les joueurs dans des univers de fiction : s’évader de la prison d’« Alcatrapz », briser la malédiction d’un pharaon, survivre à une apocalypse zombie ou percer les mystères de l’École des sorciers… Autant de scénarios proposés par HouseTrap, une entreprise du domaine qui attire plusieurs dizaines de milliers de personnes chaque année sur ses sites de Bulle, Fribourg et Payerne. « Le succès des escape games ne relève pas d’une simple tendance passagère, mais répond à un besoin, considère Stéphanie Krieger, fondatrice de HouseTrap. En se plongeant dans des univers fantastiques et en relevant des défis ensemble, les participantes et les participants oublient leur téléphone, se reconnectent les uns aux autres et s’offrent une échappatoire hors du quotidien. »

Si les jeux de rôle et d’énigmes existent depuis longtemps, les escape games ont connu passablement d’évolutions ces dernières années. Désormais professionnalisés et enrichis de technologies de pointe – projections holographiques, effets spéciaux, capteurs interactifs, animatroniques –, ces expériences repoussent les limites du réalisme. « Notre objectif est de solliciter les cinq sens des joueurs, explique Stéphanie Krieger. S’il y a un orage dans le scénario, nous voulons qu’ils le vivent à travers le bruit du tonnerre, l’odeur de la pluie, ou même la sensation du vent. » Mais cette quête se heurte à des réalités économiques et logistiques : « Nous devons rester réalistes. Intégrer tous les gadgets imaginables n’est pas toujours possible, en raison des contraintes d’espace, de sécurité et, bien sûr, de budget. » Un autre défi majeur du secteur ? Le côte éphémère de l’expérience : un escape game ne se vit qu’une seule fois. Pour fidéliser leur clientèle, les entreprises doivent donc renouveler régulièrement leurs salles, un investissement qui peut dépasser 100’000 francs par projet. La création d’un escape game moderne mobilise en effet une équipe pluridisciplinaire : des spécialistes du game design, de l’architecture, de la menuiserie, de l’électronique, de l’informatique, de la décoration.

Un dispositif pour passer du labo à la jungle

Au début de l’année 2025, alors qu’elle travaillait sur la conception d’une nouvelle salle inspirée de l’univers d’Avatar, Stéphanie Krieger a engagé une collaboration avec la Haute école d’ingénierie et d’architecture de Fribourg – HEIA-FR – HES-SO : « Jacques Supcik, professeur à la HEIA-FR, m’a proposé de faire intervenir des étudiantes et étudiants du Master in Engineering, spécialisés en mécanique, électronique et informatique, pour m’aider à développer des solutions techniques. L’idée de profiter de leur créativité tout en leur faisant découvrir ma passion m’a immédiatement séduite. » De son côté, Jacques Supcik voyait dans ce projet une opportunité pour ses étudiants de travailler sur des prototypes à partir d’une page blanche, qui plus est dans un milieu qui s’éloigne des industries habituelles de leur secteur : « L’univers des escape games illustre à merveille comment les technologies peuvent stimuler l’imaginaire et être perçues comme magiques. Cela valorise aussi les aspects créatifs des métiers d’ingénieur·es. »

Ce projet semestriel interdisciplinaire a mobilisé 13 étudiants, dont certains ont développé un jeu vidéo et d’autres un dispositif permettant de recréer, pour les joueurs, l’expérience du passage du laboratoire à la jungle de Pandora, et plus précisément la métamorphose en Avatar. « Stéphanie Krieger nous a laissé une grande liberté, tout en fixant des contraintes réalistes, notamment budgétaires, spatiales et sécuritaires, raconte Arnaud Jungo, étudiant en génie mécanique qui a participé à la création de ce dispositif. Sa conception a soulevé de nombreuses questions : fallait-il que les caissons de transport traversent les murs, ou bien faire bouger les murs eux-mêmes ? Nous avons finalement opté pour la seconde solution. » À raison de quelques heures par semaine durant un semestre, le groupe a développé une solution complète comprenant un système de murs montés sur roues et un caisson dont la porte s’ouvre automatiquement. Des prototypes ont été fabriqués pour une partie de ces éléments. Au-delà des défis techniques, les étudiants ont également dû soigner l’esthétique du dispositif. « Il était crucial que le caisson ne ressemble pas à un cercueil et que les mécanismes – comme les roues – restent invisibles, précise Arnaud Jungo. Sinon, l’illusion était brisée. »

Cap sur les animatroniques

Bien qu’il reste encore plusieurs étapes à franchir pour finaliser ce dispositif et qu’Arnaud Jungo eût aimé disposer de plus de temps avec son équipe, il a apprécié d’appliquer ses connaissances à un domaine ludique : « C’est relativement rare dans nos disciplines. C’était carrément motivant ! » Pour Jacques Supcik, ce projet représente aussi l’occasion de rappeler que les ingénieur·es ne sont pas des geeks solitaires, mais des personnes qui travaillent au contact de publics variés, sur des projets qui ont un impact concret sur la vie des gens. Au vu de ces éléments, la collaboration entre la HEIA-FR et HouseTrap sera reconduite prochainement, cette fois-ci autour d’un nouveau défi : les animatroniques. « Il s’agit de créatures qui prennent vie grâce à des structures mécaniques, des moteurs, de l’électronique et de l’informatique, se réjouit Jacques Supcik. Soit un terrain de jeu idéal pour un projet interdisciplinaire. »