TEXTE | Geneviève Ruiz
IMAGES | Léo Delafontaine
Tout a commencé avec une visite de la République du Saugeais en 2012. Celle-ci regroupe 11 villages situés dans la région du Haut-Doubs à la frontière franco-suisse. Créée en 1947, elle possède son hymne, son laissez-passer, son douanier et son président·e. « J’ai été frappé par le sérieux avec lequel les habitant·es de cette micronation s’investissaient dans leurs fonctions, raconte Léo Delafontaine, auteur du livre Micronations (2013). Sa présidente d’alors, Georgette Bertin Pourchet, qui n’avait qu’un rôle protocolaire et symbolique, répondait à plus de 200 sollicitations officielles par année ! » Le photographe décide alors de creuser le sujet et découvrira que plus de 400 micronations sont recensées dans le monde. Il en sélectionnera 11 qu’il ira photographier dans le cadre de son projet.
« Les micronations sont des entités créées par un groupe de personnes qui présentent certaines caractéristiques des nations indépendantes, mais ne sont pas reconnues comme telles. La plupart ont leurs propres timbres, leur monnaie, leur drapeau et des boutiques de souvenirs touristiques. Leur histoire, leur fonctionnement ou leurs objectifs sont très diversifiés. Certaines ont plus de 1000 ans, comme la Principauté de Seborga, d’autres n’ont pas vraiment de territoire, comme la Principauté du Sealand érigée sur une plateforme militaire maritime. D’autres encore constituent une tribune pour s’inviter dans des débats de société, comme c’est le cas de l’Empire d’Atlantium, qui défend le mariage homosexuel ou l’euthanasie. »
Léo Delafontaine souhaitait explorer ces endroits à l’histoire improbable. Il sera le plus souvent accueilli par les autorités locales avec courtoisie, celles-ci voyant d’un bon œil la publicité offerte par son projet. Certains visas, comme celui de la Principauté du Sealand, nécessiteront néanmoins d’intenses négociations avant d’être obtenus. Le photographe a souvent fait poser les autorités dans leurs tenues d’apparat, sans jugement : « J’ai été frappé par l’intelligence et la lucidité de ces personnes. Leur but n’est pas tellement l’autonomie. Il s’agit plutôt d’un jeu de rôle, non dénué d’ironie. Elles conquièrent une sorte d’interstice symbolique, qui permet de questionner, sinon de remettre en cause, les attributs des États-nations dont elles font partie. »