TEXTE | Geneviève Ruiz IMAGES | Fonds national suisse (FNS)
Depuis 2017, le Concours d’images scientifiques du Fonds national suisse (FNS) invite les chercheur·euses suisses à partager avec le grand public des images issues de leurs travaux. « Ce concours est unique car nous appliquons des critères esthétiques à des photographies qui, à l’origine, n’ont pas été prises dans ce but, explique Alexander Sauer, photographe spécialisé en sciences et président du jury à plusieurs reprises. Beaucoup de scientifiques n’ont pas conscience du potentiel artistique de leurs images. Lorsqu’on les sélectionne, ils sont souvent surpris et ne comprennent pas pourquoi. Ce qui donne lieu à des échanges enrichissants et parfois amusants. »
Chaque année, 18 œuvres sont récompensées parmi plusieurs centaines de candidatures, réparties en quatre catégories : Objet d’étude, Vidéo, Femmes et hommes de sciences, ainsi que Lieux et outils. L’image Acoustic Cloning en p. 58 a été primée en 2024 dans cette dernière catégorie. « Pour les scientifiques, la qualité d’une photo est étroitement liée à la pertinence de la recherche dont elle est issue, raconte Alexander Sauer. Pour ma part, je ne connaissais absolument rien au contexte d’Acoustic Cloning. Ce qui m’a séduit, c’est sa composition symétrique et son atmosphère futuriste. Elle illustre l’extraordinaire complexité de la recherche, tout en dévoilant une beauté inattendue qui surgit parfois dans l’univers technologique. »
Animaux, images microscopiques, dispositifs techniques en pleine nature : les images du concours témoignent de la diversité de la science. Certaines sont abstraites, d’autres transmettent de l’humour, voire de l’émotion. « Parfois, leur qualité est telle qu’on se demande s’il n’y a pas eu une intention artistique de la part du chercheur·euse, observe Alexander Sauer. Dans d’autres cas, on se dit que la prise de vue représente un coup de chance incroyable. Lorsqu’on discute avec l’auteur·e sur les conditions de réalisation de son image, il peut y avoir un mélange de tout cela. Mais la plupart du temps, la photographie est simplement le fruit du travail scientifique et son intérêt esthétique n’est découvert qu’après coup. Au fond, c’est souvent la même chose chez les photographes professionnels. » Pour les chercheur·euses, ce concours est aussi intéressant car il leur permet de présenter leurs recherches au public sur un autre registre, plus facile d’accès que le langage scientifique traditionnel. Ce portfolio propose de découvrir cinq images, toutes liées au son d’une manière ou d’une autre.
Hearing Shapes
de Maurizio Cortada,
Université de Bâle
(Concours FNS d’images
scientifiques 2023)
Cette image, prise avec un microscope, montre un échantillon prélevé sur la cochlée, l’organe principal de l’audition situé dans l’oreille interne. La cochlée contient des cellules essentielles à l’audition (représentées en vert), appelées cellules ciliées. Ces cellules, présentes en nombre limité, sont souvent perdues en cas de surdité. Ce modèle expérimental vise à
trouver de meilleures façons de prévenir et de traiter la perte auditive.
From Plasma to sound
de Rahim Vesal, EPFL
(Concours FNS d’images
scientifiques 2023)
Cette image montre le fonctionnement d’un actionneur à décharge corona atmosphérique, soit un dispositif composé de fins fils conducteurs et de tiges métalliques séparés par de l’air. Lorsqu’une tension électrique élevée est appliquée aux électrodes, un champ électrique puissant se crée autour des fils, ce qui génère un son audible. Plus performant que les haut-parleurs classiques, cet actionneur transparent permet de mieux contrôler les champs sonores et se distingue également par son design évoquant
la forme du drapeau suisse.
Ultrasound dynamic modulation
of liquid crystals
de Zhiyuan Zhang, ETH Zurich (Concours FNS d’images scientifiques 2024)
Cette image montre un motif en forme de papillon créé par des cristaux liquides à base de protéines spécifiques appelées amyloïdes. Ces protéines, mal repliées, sont associées à des maladies neurodégénératives comme Alzheimer ou Parkinson. Sous l’effet des ultrasons, les cristaux vibrent, et en modifiant les fréquences, on peut générer différents motifs. Cette technique pourrait être utilisée pour développer des surfaces robotiques capables de changer d’apparence et pourrait également ouvrir des perspectives pour traiter certaines maladies neurodégénératives.
Acoustic Cloning
de Jonas Müller, ETH Zurich (Concours FNS d’images
scientifiques 2024)
Cette image illustre une recherche sur le clonage acoustique. L’idée est de connecter deux mondes : les espaces acoustiques physiques et ceux recréés par des algorithmes. Cela permet aux ondes sonores de passer d’un univers à l’autre sans interruption. Pour rendre visible ce phénomène, une simulation des ondes sonores a été projetée sur un dispositif qui guide et canalise ces ondes. Selon son auteur, l’image reflète à la fois la complexité du projet et la beauté des liens qu’il tisse entre le réel et
le numérique.
When the music is good
de Benzi Kirell, EPFL
(Concours FNS d’images
scientifiques 2017)
Cette visualisation est basée sur
cinquante ans de données du Montreux Jazz Festival. Chaque nœud représente un artiste, connecté à d’autres s’ils ont joué ensemble lors d’un concert. Ce réseau révèle deux catégories d’artistes : au bord du cercle se trouvent les musicien·nes qui ne jouent qu’avec leur groupe, formant de nombreuses communautés déconnectées. À l’inverse, ceux qui jouent avec tout le monde, soit les stars du festival, sont bien connectés et se placent au milieu du cercle.