Des mois après le confinement, l’occupation des transports en commun reste inférieure à celle de début 2020. Retrouvera-t-on un jour le niveau des déplacements collectifs précédant la pandémie?
TEXTE | Virginie Jobé-Truffer
La pandémie va-t-elle durablement changer nos habitudes en matière de transport? Des éléments de réponse semblent se dessiner. Matthieu de Lapparent, directeur de l’Institut interdisciplinaire du développement de l’entreprise de la Haute École d’Ingénierie et de Gestion du Canton de Vaud – HEIG-VD – HES-SO, mène une étude sur la modification des déplacements des individus. Il met en garde contre les risques financiers entraînés par une diminution des transports.
Quel est l’objectif votre étude?
Notre démarche est double: nous menons une première étude qualitative sous forme d’entretiens avec une douzaine de personnes issues de la HES-SO. Notre second projet est quantitatif, avec un sondage donné à toutes les personnes des différentes HES-SO sur les habitudes de mobilité avant et après le confinement. Nos premiers résultats indiquent que les sondés considèrent le virus comme dangereux, mais qu’il faut continuer à vivre son quotidien. Ils essaient de s’adapter, en privilégiant le télétravail. La peur des systèmes de transport collectif n’est pas prégnante.
Après le confinement, les déplacements en transports collectifs n’ont pourtant pas retrouvé leur niveau initial. Des mois après le début de la crise, on observe que l’occupation des systèmes de transport en commun reste inférieure au niveau initial.
Je ne suis pas persuadé que l’on va retrouver les mêmes volumes à moyen terme, en raisonnant à population constante, pour la simple raison que le développement du télétravail est inévitable. Sera-t-il généralisé? Je n’en ai aucune idée. Pour certains métiers, ce développement engendrera des déplacements en moins. En revanche, pour les autres motifs (shopping, loisirs, visites à des proches, etc.), je dirais plutôt qu’ils vont se faire de manière différente. En quoi seraient-ils différents? Les déplacements sur une plus courte distance vont probablement engendrer de nouvelles habitudes. Les personnes qui utilisaient les transports en commun pourront préférer la marche ou le vélo. Les transports publics lausannois ont diminué leur offre de 4%, cela témoigne du fait qu’on n’est pas capable de faire tourner aujourd’hui un système de transport collectif au même niveau que ce qui était prévu en début d’année 2020.
Qu’adviendra-t-il des transports publics dans ce contexte?
Je ne vois pas les systèmes de transport collectif et de véhicules partagés revenir à une normalité de pré-confinement. Mais je ne les vois pas non plus rester à un niveau aussi bas. Le modèle d’affaires des transporteurs collectifs privés nécessite des clients, sinon ils courent à la faillite. Donc, soit ce modèle va se transformer avec une offre plus restreinte, soit il se repositionnera. Quant aux systèmes de transport collectif subventionnés, je trouve que le débat public sur la situation de crise de leur financement, ainsi que des infrastructures, est peu présent. Par ailleurs, trois mois de moindre circulation routière, c’est trois mois de pertes de taxes et impôts sur les huiles minérales. Cela signifie un trou dans le budget pour la maintenance des routes et pour le développement des transports en commun. D’un point de vue économique et financier, la situation est grave!