Au sein des entreprises, la performance est évaluée en se focalisant sur l’individu. Une démarche qui fait de moins en moins sens.
TEXTE | Thomas Pfefferlé
Jusqu’à présent, c’est généralement l’individu, en tant qu’employé d’une entreprise, qui est évalué sur la base de ses performances. Pourtant, il est rare d’accomplir son rôle seul au sein d’une organisation. En tant que résultat d’une collaboration, le travail ne peut donc plus être évalué uniquement sur une base individuelle. François Gonin, professeur en management des ressources humaines à la Haute école d’Ingénierie et de Gestion du Canton de Vaud – HEIG-VD – HES-SO, l’a démontré avec son équipe de recherche.
Les performances s’insèrent dans une organisation collective
«L’évaluation des performances individuelles s’avère souvent contradictoire avec la réalité professionnelle, souligne François Gonin. D’une part, l’évaluation individuelle est méthodologiquement discutable, car il est difficile d’identifier précisément les contributions individuelles au sein d’un travail de plus en plus collectif. D’autre part, la réalité du travail – collectif – n’est pas prise en compte ni évaluée.» A partir de cette constatation, Jean Weidmann, professeur à la HEIG-VD et collègue de François Gonin, s’est adressé aux entreprises du tissu économique romand. Objectif: étudier leurs pratiques d’évaluation collective et identifier les avantages et inconvénients de cette méthode. Ce travail de recherche a été effectué auprès de trois sociétés actives dans la communication, l’hôtellerie et le domaine social.
Les résultats ont montré que, si l’évaluation collective permet d’observer correctement la manière dont les équipes collaborent et réussissent, elle provoque aussi des problèmes. D’abord celui du «passager clandestin»: l’élément le moins engagé du groupe peut profiter des bonnes performances d’ensemble. à l’opposé, le «top performer», soit l’employé dont les performances s’avèrent meilleures que les autres, n’est pas forcément identifié et récompensé à juste titre. «Pour ne pas le léser tout en appliquant une méthode d’évaluation collective, il s’agit de mettre en place un système de récompense qui ne repose pas uniquement sur les bonus financiers mais sur d’autres formes de reconnaissance, en général très appréciées par les employés, explique François Gonin: rôle spécifique, formation continue en rapport avec ce rôle, représentation de l’unité de travail à l’extérieur de celle-ci, promotion, etc.»
Une nouvelle philosophie d’évaluation
L’évaluation collective implique aussi de modifier les méthodes classiques. Il s’agit d’abord de permettre aux équipes de s’autoévaluer sur la base de plusieurs critères. Lors de séances périodiques (en principe annuelles), un porte-parole élu et formé anime l’auto-évaluation du groupe avant que, dans un second temps, le responsable évalue les prestations de son équipe. Le but est d’observer dans quelle mesure les missions du groupe et les objectifs fixés ont été atteints. Ainsi, la communication et la coopération sont favorisées plutôt que la compétition. En somme, il convient d’adopter une nouvelle philosophie pour valoriser le fruit du travail accompli collectivement.