Une boulangère, un spécialiste de l’urbanisme participatif, une présidente de SPA, une passionnée d’ornithologie qui codirige une start-up et un activiste de la cause transgenre parlent de leurs besoins essentiels.
TEXTE | Sabine Pirolt
IMAGES | Hervé Annen
«Le genre n’est pas une question essentielle pour moi»
Niels Rebetez, 32 ans
Activiste de la cause transgenre, Fribourg
Lorsqu’on demande à Niels Rebetez d’évoquer ses besoins essentiels, il répond en deux mots: «Aller bien.» Originaire du Jura, ce Fribourgeois d’adoption naît dans un corps de fille qui passe une belle enfance. C’est à l’adolescence que tout se gâte. «Je me sentais mal et j’avais de la peine à savoir ce qui se passait.» L’adolescent, qui a une apparence unisexe, voit une psychologue et un kinésithérapeute, mais personne n’arrive à l’aider. C’est en se mettant à surfer sur internet qu’il tombe sur Agnodice, une fondation pour les personnes transgenres. «Ça a représenté la chance de ma vie. J’ai rencontré la directrice qui m’a pris au sérieux. Ça changeait tout.» Elle lui donne l’adresse d’un psychologue et d’un homme qui a transitionné. «Il se sentait bien. On a beaucoup discuté.» Cela fait quatorze ans que Niels a franchi le pas. Il prend régulièrement des hormones. «Mes parents ont été surpris, mais soutenants. Et je n’ai pas perdu d’amis.» Historien, il est collaborateur scientifique au parlement fédéral. «Si je n’évoque pas ma transition, les gens autour de moi ne le savent pas. Mais j’en parle assez volontiers, cela permet de faire connaître le sujet et d’améliorer l’acceptation des personnes transgenres.» Et aujourd’hui, aime-t-il les hommes ou les femmes? «Ça n’a pas d’importance. Le genre n’est pas une question essentielle pour moi. Je ne peux pas l’expliquer. C’est une absence d’identification.»
«Je ne peux pas vivre sans animaux»
Biliana Perruchoud, 58 ans
Présidente de la SPA Valais, Sion
«Les chiens ne mentent jamais en amour», écrit l’essayiste Jeffrey Masson. À voir l’enthousiasme avec lequel Pam, une American Staffordshire terrier recueillie par la SPA Valais, lèche les mains de Biliana Perruchoud, cela ne fait aucun doute. Ravie par ces marques d’affection, la Valaisanne commente: «Quand elle est arrivée ici, cette chienne de trois ans rasait les murs. Elle n’a besoin que d’un maître qui lui consacrera du temps, lui donnera de l’affection et lui prodiguera des caresses. Les chiens et les chats ne sont pas des meubles.» Cela fait bientôt huit ans que cette passionnée de la cause animale a repris la présidence de la SPA Valais, l’unique structure d’accueil du canton. Née à Belgrade, Biliana Perruchoud a 3 ans lorsqu’elle arrive en Suisse avec ses parents, tous deux dentistes. Petite, elle regarde avec envie les gens qui ont un chien ou un chat. Après un master en droit à Fribourg, elle revient en Valais et devient mère de deux enfants. Aujourd’hui, elle gère un patrimoine immobilier familial. Et ses besoins essentiels? «Je ne peux pas vivre sans animaux. J’ai deux chiens. Ces êtres sont extrêmement importants pour mon équilibre.»
«Nous sommes dépendants les uns des autres»
Jérôme Heim, 42 ans
Adjoint scientifique HE-Arc Gestion (HEG ARC), Neuchâtel
Quels sont nos besoins essentiels? La question a occupé l’esprit de Jérôme Heim durant la pandémie. La réponse de ce docteur en sociologie qui donne des cours de stratégie de développement du territoire? «L’appartenance sociale. On s’est créé l’illusion qu’on peut vivre sans l’autre, que notre réussite, on ne la doit qu’à soi, alors que nous sommes complètement dépendants les uns des autres.» Ce père de trois adolescents ajoute deux activités cruciales à son équilibre: la marche et le skateboard, sa passion. Mais rembobinons l’itinéraire de ce Loclois, très engagé dans des projets associatifs. Cela a commencé par la sauvegarde de l’Ancienne poste du Locle, devenue un centre culturel et d’animation. «J’y ai consacré vingt-trois ans de ma vie.» Par la suite, c’est le skateboard qui l’a amené à constituer une association pour obtenir des locaux dans les anciens abattoirs de La Chaux-de-Fonds. En 2014, rebelote, il lance un projet de skatepark en béton au Locle, grâce à une quinzaine de chantiers participatifs où jeunes et moines jeunes mettent la main à la pâte. «Cet aspect citoyen représente ma passion: faire participer les jeunes à l’amélioration de leur lieu de vie, augmenter leur estime de soi et créer du lien social.»
«Les réseaux sociaux sont superflus»
Tina Heiz, 50 ans
Boulangère, Lausanne
Sans levain, pas de pain. Ce mélange issu de farine, d’eau, de levures naturelles et de bactéries lactiques est si important aux yeux de la boulangère Tina Heiz qu’elle en prend toujours un peu avec elle, en week-end ou en vacances. La Lausannoise d’adoption se raconte, assise sur le banc de sa boulangerie au décor minimaliste. Ici, l’important, ce sont les produits: quatre sortes de pain et deux sortes de roulés, tous fabriqués à l’ancienne. Cette fille et petite-fille de libraires est née au Danemark. Elle devient à son tour libraire avant de se lancer dans le droit et de travailler comme juriste, d’abord pour une ONG, puis dans un cabinet privé à Genève. Un jour, alors qu’elle est mariée et mère de trois enfants, elle se demande: «Pourquoi je travaille? Pour faire quelque chose qui a du sens?» Elle a besoin de changement. Elle se lance dans des stages, au Danemark, avec de grands chefs reconvertis dans l’art des pains à l’ancienne. En 2020, elle ouvre la boulangerie Zymi et ses produits font mouche. «Des clients me remercient tous les jours.» Si l’amour et la famille sont des choses essentielles pour Tina Heiz, elle considère que les réseaux sociaux sont superflus, tout comme bon nombre d’informations. «C’est une addiction, nous sommes hypnotisés.»
«La faune a juste besoin d’un biotope sain, de liberté et de tranquillité»
Noémie Delaloye, 43 ans
Audio-naturaliste, codirigeante de Biolovision
Rencontrer cette Genevoise venue s’installer en Valais, c’est découvrir le monde de l’ornithologie. C’est en Tesla qu’elle vient chercher son interlocutrice à la gare d’Ardon. L’occasion de parler mode de vie et besoins. «Avec mon mari, nous produisons 100% de notre électricité avec des panneaux solaires et mangeons végétarien.» À ses yeux, être bien avec ceux qui nous entourent est également essentiel. C’est à l’adolescence, grâce à deux professeurs de biologie, qu’elle commence à s’intéresser aux oiseaux. Au fil des années, c’est devenu sa passion. Aujourd’hui, Noémie Delaloye, pharmacienne de formation, et son mari, informaticien, sont à la tête d’une PME de huit personnes créée en 2006. Ils gèrent 230 millions de données – issues d’observations de centaines de milliers de personnes sur le terrain – qui alimentent une dizaine de sites internet européens de connaissance et protection des oiseaux. Cela permet, par exemple, de changer des dates de chasse, interdite sur les oiseaux nicheurs, ou de planifier l’arrêt d’éoliennes pour protéger des espèces. Lorsqu’il lui reste du temps, elle est sur le terrain et enregistre des sons d’animaux – oiseaux, grenouilles ou bouquetins – qu’elle partage sur un blog. Elle a également participé à la prise de son du film Lynx de Laurent Geslin. Les besoins essentiels de la faune? «Tout simplement: biotope sain, liberté de mouvement et tranquillité.»