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Limiter l’empreinte énergétique des montres

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En retard sur la question écologique, l’industrie horlogère commence à s’intéresser àla durabilité de sa production. Deux études ont analysé le cycle de vie des montres et proposent des pistes d’amélioration.

TEXTE | Clément Etter

Quelle est l’empreinte écologique d’une montre ? Cette question ne s’est pas beaucoup posée dans le milieu de l’industrie horlogère et de la joaillerie jusqu’à présent. Mais elle est à l’origine des travaux de deux chercheur·euses en ingénierie horlogère de la HE-Arc Ingénierie– HES-SO au Locle. Leurs études se sont intéressées à l’énergie grise liée à la production d’une montre, c’est-à-dire toute l’énergie employée depuis le moment de sa conception sur un logiciel jusqu’à son recyclage et la gestion de sa fin de vie, en passant par l’extraction de ses matières, leur transformation, la fabrication et l’entretien.

HEMISPHERES 27 FOCUS Ingenierie Architecture Limiter l empreinte energetique des montres Morgane Giran
Suite à son analyse ducycle de viedes montres, Morgane Giran fait valoir qu’il est possible de réduire leur impact énergétique, notamment en limitant la quantité des métaux précieux utilisés et en favorisant le recyclage des matières premières. | GUILLAUME PERRET

Morgane Giran, assistante de recherche à la HE-Arc Ingénierie, a ainsi analysé le cycle de vie complet de la montre durant son travail de Bachelor. Elle a étudié l’impact de différents modèles, qu’ils soient constitués principalement de plastique, d’acier, de platine ou d’or. Résultat : « C’est l’extraction de la matière première qui consomme le plus d’énergie, surtout quand il s’agit de matériaux précieux. Les montres en or ou platine consomment de 1000 à 10’000 fois plus d’énergie liée à l’extraction que celles en acier ou en plastique. En revanche, au moment de la fabrication, nous constatons peu de différence de consommation d’énergie entre les matériaux utilisés, à l’exception notable du saphir. » Ce cristal est en effet ultrarésistant, mais très énergivore à produire.

David Weber, ancien adjoint scientifique à la HE-Arc Ingénierie, est parvenu à un constat similaire dans son étude intitulée Case study of the ecological impact of a typical mechanical Swiss watch, qui a considéré uniquement l’énergie grise de l’extraction des matières premières et celle de la fabrication : « Pour une montre mécanique sobre – sans or ni caractéristiques qui influenceraient fortement les résultats – et avec un verre en saphir, 86% de la consommation totale d’énergie provient de l’extraction et 14% de la fabrication (usinage, etc.). »

Risque de greenwashing

Pour réaliser leurs calculs, les deux ingénieur·es ont consulté une base de données fournissant des valeurs d’énergie grise pour tous les matériaux. Ils rappellent toutefois que ces valeurs reflètent un usinage conventionnel et non spécifique à la microtechnique. Il reste donc difficile d’estimer précisément la consommation d’énergie des différentes étapes du cycle de vie d’une montre. De plus, il n’existe actuellement pas de méthodologie standard dans l’évaluation et le bilan environnemental de fabrication d’une montre. « Les normes liées à l’analyse de cycle de vie restent vagues et ne survolent que les principales étapes à prendre en compte dans une étude, explique Morgane Giran. Le choix du critère d’évaluation peut également induire en erreur. Par exemple, l’impact énergétique d’une montre en plastique est faible, mais si l’on considère d’autres critères, l’impact pourrait être plus important (émissions de CO2, recyclage, durée d’utilisation, etc.). Il y a un risque de greenwashing à ce niveau. » Une entreprise pourrait ainsi vanter que son produit a consommé moins d’énergie, alors qu’il aurait émis beaucoup de CO2.

Malgré ces imprécisions, Morgane Giran considère qu’il est possible d’agir sur la phase d’extraction pour réduire l’impact énergétique des montres. « Nous recommandons de diminuer la quantité des matériaux nobles présents dans la montre, en utilisant de l’or ou d’autres métaux précieux plaqués et non massifs. Dans la même optique, il faut développer le recyclage des matières premières, pratiquement inexistant à l’heure actuelle. » Une entreprise suisse a d’ailleurs récemment conçu un système pour récupérer l’acier provenant des chutes lors de l’usinage des pièces et le fondre à l’aide d’un four alimenté à l’énergie solaire. En ce qui concerne le recyclage de l’or, le Rapport 2023 du WWF (lire ci-dessous) constate « qu’il n’y a actuellement pas de standard dans l’industrie, ni de définition claire sur le terme “recyclé”, ce qui ne permet pas aux consommateur·trices d’être informés correctement ». Au mieux, certaines entreprises proposent de l’or certifié éthique et responsable.

Optimiser les processus de fabrication

Pour David Weber, c’est aussi au niveau des processus de fabrication que l’industrie peut limiter son impact. Dans cette optique, une équipe de la HE-Arc Ingénierie a conçu en 2016 une machine d’usinage nécessitant 5 fois moins de surface au sol que les machines conventionnelles et consommant 10 fois moins d’énergie. Une société issue de l’EPFL a également développé un scanner qui détecte d’éventuelles impuretés dans le saphir avant sa transformation en glace de montre, ce qui permet de l’écarter plus tôt dans la chaîne de production. Des technologies que l’industrie horlogère devra intégrer, estime l’ingénieur, car « réduire la consommation d’énergie est aussi intéressant financièrement, d’autant plus en cas de risque de pénurie ».


Industrie horlogère : trop de mauvaisélèves en durabilité

Un rapport publié par le WWF en 2018 accablait les principales marques horlogères concernant leur manque de transparence et d’intérêt pour la préservation de l’environnement. En 2023, un nouveau rapport a fait état d’une amélioration dans le secteur : seule une marque sur 23 a été classée comme « non transparente » contre la moitié d’entre elles cinq ans auparavant. Les entreprises ont donc réalisé des efforts en termes de durabilité. Mais selon l’organisation environnementale, il existe encore une grande marge de progression, surtout au niveau de la traçabilité et de la transparence de leurs chaînes d’approvisionnement.