L’air intérieur est cinq à dix fois plus pollué que l’air extérieur. En cause, des colles de matériaux de construction, la fumée de cigarette, des virus, des moisissures, des allergènes d’animaux ou encore des particules fines.

TEXTE | Clément Etter

Les membres d’un foyer peuvent modifier leur comportement pour réduire sa pollution. Mais la question de la qualité de l’air intérieur devrait être davantage prise en compte lors de la conception, puis de la construction des édifices. Pour Joëlle Goyette Pernot, professeure à la Haute école d’ingénierie et d’architecture de Fribourg – HEIA-FR – HES-SO, la santé globale passe aussi par des bâtiments adaptés.


HEMISPHERES N°21 – Locales, urbaines, intimes: les proximités // www.revuehemispheres.ch
Décès dus à la pollution atmosphérique des ménages, par région, de 1990 à 2017 Nombre annuel de décès prématurés dans le monde, attribués à la pollution atmosphérique des ménages. Elle est principalement due à l’utilisation de combustibles solides pour la cuisine et le chauffage. // Source: Institute for Health Metrics and Evaluation (IHME) ourworldindata.org/indoor-air-pollution

Quels sont les polluants que l’on retrouve le plus dans l’air intérieur?
Ils sont très variés. On trouve des polluants chimiques, comme les composés organiques volatiles (COV). Ils sont associés à certains parfums, aux hydrocarbures et aux aldéhydes, dont le formaldéhyde. Ce dernier se dégage des colles et résines des matériaux de construction, ainsi que de la fumée de cigarette ou d’encens. Il existe aussi des polluants d’origine biologique, comme les bactéries, les virus, les champignons (moisissures), et des allergènes d’animaux domestiques. Finalement, on trouve des polluants d’origine physique, dont les particules fines, les fibres comme l’amiante, et le radon, un gaz radioactif naturel.

D’où viennent-ils?
Les sources sont nombreuses. Elles peuvent être liées à l’environnement extérieur dans lequel se situe le bâtiment. Selon qu’on se trouve en ville, à proximité d’un milieu industriel ou rural, on détectera à l’intérieur une signature des polluants de l’extérieur. Le radon, lui, est présent dans le sol et s’infiltre dans les bâtiments peu étanches, en contact avec le terrain. Une autre source importante de pollution peut provenir du bâtiment lui-même. En cause, les matériaux de construction et d’aménagement intérieur, les installations techniques et les éventuels défauts de conception et de maintenance. Les habitantes et les habitants sont aussi responsables de la présence des polluants, par leur manière de vivre et les produits qu’ils consomment, par exemple pour le nettoyage, le bricolage ou comme cosmétiques.

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Joëlle Goyette Pernod explique que la recommandation d’ouvrir les fenêtres 3 ou 4 fois par jour pendant dix minutes pour aérer est utile, mais n’est pas suffisante. // © Gguillaume Perret | lundi13

Quels sont les impacts de la pollution de l’air intérieur sur la santé?
Cela dépend des types de polluants présents, de leur concentration et de la durée d’exposition. Certains peuvent induire des irritations des voies respiratoires et des yeux, des troubles cardiaques, des céphalées, une perte de tonus musculaire ou des maux de tête. D’autres sont neurotoxiques, perturbateurs endocriniens, ou encore cancérogènes, comme le radon ou le benzène. À part pour le radon, il n’existe pas de réglementation sur la qualité de l’air intérieur dans l’habitat en Suisse. Seules deux recommandations de l’Office fédéral de la santé publique fixent des valeurs à ne pas dépasser pour le for­maldéhyde et les COV totaux. La valeur de l’ensemble des COV ne donne toutefois pas d’informations sur la toxicité de l’air, mais seule­ment une indication de la charge en polluants.

Pourquoi la pollution est-elle plus concentrée dans les foyers?
Cela vient du fait que les bâtiments ont tendance à être de plus en plus isolés, pour des questions d’économie d’énergie. Il y a donc un grand risque que les polluants s’accumulent, surtout si un renouvellement de l’air indépendant de l’occupant n’a pas été pris en compte. Nous constatons d’ailleurs une dégradation de la qualité de l’air des bâtiments rénovés sur le plan énergétique, en comparaison avec des bâtiments plus récents équipés de systèmes de ventilation.

Peut-on repérer les polluants?
Des symptômes de mal-être dans un en­viron­nement intérieur peuvent alerter sur une éventuelle exposition à des polluants, surtout si ces symptômes disparaissent une fois qu’on a quitté les lieux. Une analyse de l’air intérieur permettra d’identifier dans une certaine mesure les molécules présentes. Mais il sera difficile de remonter précisément jusqu’à la source du polluant original, car certains composés peuvent se combiner dans l’air pour former de nouveaux polluants. Concernant le radon, la seule manière de le détecter est d’effectuer des mesures, car il est imperceptible et les symptômes n’apparaissent qu’après quinze à vingt ans d’exposition.

Comment purifier l’air intérieur?
L’habitant peut prendre certaines mesures. Par exemple, remplacer les produits d’entretien parfumés par des produits naturels comme le vinaigre ou le savon noir, et limiter l’usage d’encens et de bougies parfumées. La recommandation d’ouvrir les fenêtres en grand 3 ou 4 fois par jour pendant dix minutes pour aérer est aussi utile, mais ce n’est pas suffisant. Sur le long terme, il est indispensable d’intégrer de manière systématique un concept de renouvellement de l’air qui soit adapté au bâtiment pour qu’il ne dépende pas uniquement de l’habitant. La sensibilisation aux bonnes pratiques et la formation sont aussi très importantes, tant pour les habitants que pour les professionnel.les du bâtiment.