Un programme soutient des projets d’innovations technologiques pour permettre aux personnes en situation de handicap de gagner en autonomie. Dans cette optique, ces dernières participent à l’entier du processus.

TEXTE | Clément Etter

Afin que les personnes en situation de handicap puissent intégrer pleinement la société et y contribuer, elles ont besoin de gagner en autonomie sur le plan public, personnel et professionnel. Dans cette optique, le Living Lab Handicap, un réseau d’innovation autour des technologies d’assistance fondé par la HES-SO Valais-Wallis et la Fondation pour la recherche en faveur des personnes handicapées, ainsi que la Haute École Arc, ont bénéficié du programme de financement Innosuisse NTN Innovation Booster d’environ 2 millions de francs sur quatre ans. Celui-ci, appelé Technology and Special Needs, est destiné à soutenir des projets d’innovation de produits et services en lien avec les handicaps.

Une innovation participative et inclusive

HEMISPHERES N°23 Besoins essentiels, désirs superflus // www.revuehemispheres.ch
Le responsable du «Living Lab Handicap» Benjamin Nanchen précise qu’un point important du programme «Technology and Special Needs», consiste à inclure les personnes concernées par un handicap avant même le début d’un projet et tout au long du processus. | © BERTRAND REY

«Un point important du programme est d’inclure les personnes concernées par un handicap avant même le début d’un projet et tout au long du processus, afin que l’innovation se concrétise avec et pour elles», déclare Benjamin Nanchen, responsable du Living Lab Handicap. C’est pourquoi nous organisons des ateliers de discussion avec différentes institutions et associations afin d’identifier les problèmes des personnes concernées. Par la suite, toutes les personnes intéressées (chercheur·es, personnes avec handicap, etc.) sont réunies dans le but de trouver des solutions et de créer des équipes interdisciplinaires et diversifiées. Une journée de formation est aussi organisée autour des méthodes de conception participative. «Au cours d’un appel à projets lancé deux fois par an, toute équipe peut ensuite soumettre son idée pour réaliser une étude de faisabilité, une recherche exploratoire ou un prototype, poursuit Benjamin Nanchen. Les propositions sont analysées par une commission composée d’expert·es scientifiques ainsi que de personnes en situation de handicap.» Les projets retenus bénéficient d’un montant de 5’000 ou 10’000 CHF selon leur type. Lorsqu’ils se terminent, les équipes qui le souhaitent peuvent à nouveau postuler pour développer leur travail.

«Pour 2022, nous avons des thématiques prioritaires, en accord avec le Bureau fédéral de l’égalité pour les personnes handicapées: l’égalité au travail, l’autonomie et l’accessibilité numérique, détaille Benjamin Nanchen. Mais les projets sont aussi ouverts à d’autres thèmes.» Le mot «technologie» est à interpréter au sens large. Les innovations peuvent être des services ou des produits digitaux, mécaniques ou encore matérielles, comme la création d’accessoires: «Une équipe pilotée par un étudiant de la Haute école d’art et de design Genève (HEAD) – HES-SO a conçu une ceinture et un bracelet en cuir permettant de soutenir et mobiliser un bras chez une personne ayant un handicap à ce membre. C’est un objet low-tech en soi mais qui est fonctionnel, pratique et élégant.» Une appli qui génère des idées de tourisme compatible avec des handicaps, des boutons de cuisinière faciles à utiliser pour les personnes malvoyantes ou encore du sous-titrage en direct, les projets foisonnent de créativité. Les deux encadrés ci-contre permettent d’en découvrir deux.


Un livre interactif pour promouvoir la santé

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© MAXIME SCHERTENLEIB

Le projet intitulé Ma santé: je m’informe et je choisis a été proposé afin de concevoir un prototype de livre interactif favorisant l’accès à la promotion de la santé et la prévention aux personnes vivant en institution. Il fait suite à une première recherche exploratoire mettant en avant ce manque d’informations auprès des personnes concernées. Deux personnes avec handicap ont participé et aidé à sa réalisation. À la fin du projet, une double page de brochure a été créée sur la thématique du mouvement, avec des illustrations et du texte, ainsi qu’un stylo interactif contenant des messages oraux. «En pointant sur l’illustration, la personne obtient des questions sur son comportement ou ses connaissances, des explications sonores de spécialistes et des anecdotes racontées par des personnes concernées, explique Linda Charvoz, professeure associée à la Haute école de travail social et de la santé Lausanne – HETSL – HES-SO et responsable du projet. L’objectif est de rendre les informations accessibles à un maximum de personnes et ainsi de favoriser leur autonomie et leur autodétermination.» Le prototype de stylo ergonomique a été conçu pour être adapté à l’utilisation par les personnes concernées. «Pour la suite, nous aimerions réaliser une brochure entière, puis sur différentes thématiques de santé.»


Prévoir l’environnement sonore des lieux de loisirs

De nombreuses personnes présentant un profil sensoriel ou cognitif particulier, notamment en cas de troubles du spectre de l’autisme, se trouvent dans une situation inconfortable losrqu’elles souhaitent réaliser des activités de loisirs. Le projet Des plans pour ce soir a eu pour objectif de créer une application qui décrit l’environnement sonore des lieux de loisirs. «Au cours d’une recherche exploratoire, nous avons constaté que pour organiser leurs loisirs et se rendre sur les lieux, les personnes concernées avaient besoin d’informations sensorielles sur l’environnement, telles que le niveau sonore ou l’intensité lumineuse, explique Aline Veyre, professeure associée à la Haute école de travail social et de la santé Lausanne – HETSL – HES-SO et responsable du projet. Ne pas avoir ces informations au préalable freine les personnes dans leur participation aux loisirs.» Pour répondre à ce problème, une équipe formée notamment d’une personne avec autisme a d’abord récolté des sons sur le terrain. «Les personnes concernées nous ont aidés à identifier les sons dérangeants et permis d’ajouter des sons qui pourraient arriver par surprise, comme des travaux dans un parc public.» Par la suite, l’équipe a créé un prototype d’application qui offre une «bandeannonce» de sons afin de se familiariser et se projeter dans certains lieux, comme une gare, un musée ou un restaurant. Les personnes peuvent ainsi construire un trajet sonore et rendre l’environnement prévisible. «Dans le futur, l’idée est de développer l’application et d’ajouter d’autres types d’informations sensorielles.»