Sous l’effet des activités humaines, la planète se transforme. Comment réagir à ce phénomène? C’est sur cette question que se penche l’Atlas de l’Anthropocène à Genève, un projet de recherche interdisciplinaire qui vise à étudier comment la Terre et ceux qui la peuplent s’adaptent au changement climatique.
TEXTE | Tania Araman
Le point commun entre le marronnier de la Treille, les potagers urbains, l’émergence du Léman comme monnaie locale et la sauvegarde des abeilles? Tous figurent dans l’Atlas de l’Anthropocène à Genève (TAAG), une plate-forme internet visant à étudier les façons dont la Terre et ceux qui la peuplent s’adaptent aux changements environnementaux planétaires causés par les activités humaines. «Le monde est en pleine mutation, relève Gene Ray, directeur de ce projet de recherche interdisciplinaire mené par la Haute école d’art et de design de Genève – HEAD – HES-SO. Je crois que nous en sommes tous conscients. À présent, ce que nous devons faire, c’est agir.» D’où l’idée d’interroger climatologues, écologistes, économistes ou même historiens et écrivains, «pour stimuler la réflexion, le débat, et pourquoi pas le changement».
Né dans le cadre du programme de master en arts visuels de la HEAD, qui s’interroge sur la place de l’artiste dans la réflexion autour de problématiques sociales et politiques, le TAAG fait la part belle à la vidéo: les interviews avec les divers intervenants sont filmées et constituent une part importante de l’interface sur la Toile. Ainsi nous voyons, dans l’une d’elles, le climatologue Martin Beniston expliquer comment Genève jouit aujourd’hui du climat de Toulouse d’il y a une cinquantaine d’années tandis que la ville française a hérité de celui de Madrid à la même époque. «Cet exemple simple rend plus réels les changements climatiques auprès d’un public non scientifique, mesures chiffrées à l’appui», souligne Gene Ray. Dans une autre vidéo, Antonin Calderon, cofondateur de la monnaie du Léman, démontre que les monnaies locales permettent de favoriser l’achat et la consommation de produits régionaux et de saison. Dans une troisième, le romancier Daniel de Roulet – dont plusieurs œuvres traitent de sujets écologiques – s’inquiète de la disparition de la pureté de la nature, telle que la concevaient les peintres impressionnistes.
«Nous souhaitions couvrir une large diversité de profils, de champs de réflexion, poursuit Gene Ray. Certains d’entre eux nous paraissaient évidents, d’autres nous ont été recommandés.» Un des critères stipulait que les personnes interviewées devaient avoir un lien clair avec Genève et sa région. «Nous avons décidé de nous focaliser sur une zone définie. Même si ce qui se passe à un niveau local ne s’applique pas nécessairement à l’échelle internationale, nous vivons tous sur une même planète. Et Genève, avec sa densité unique d’institutions de gouvernance, de finance et de recherche, mais aussi d’ONG, de mouvements activistes et artistiques, constitue un terrain d’exploration idéal, riche en contradictions.»
Et le marronnier de la Treille, alors, que vient-il faire dans cette histoire? «Depuis 1818, Genève recense chaque printemps l’apparition du premier bourgeon de cet arbre officiel. Même si quatre spécimens se sont succédé, on constate une tendance générale à fleurir de plus en plus tôt. Un excellent indicateur de l’évolution du climat local… Or, nous tenions aussi à montrer comment des agents non humains répondent à ces enjeux.»
À noter que la plate-forme du TAAG comprend également un glossaire, où sont développés de nouvelles idées, de nouveaux concepts. «Nous ne faisons que gratter la surface, il y aurait matière à creuser davantage. Nous espérons que notre atlas pourra devenir une ressource non seulement pour les chercheurs, mais aussi pour les artistes, et contribuera à une réflexion publique sur les changements planétaires.»
Pour sa part, Gene Ray a, très jeune, été sensibilisé à l’écologie: «J’ai grandi en Floride, où les écosystèmes ont toujours été riches. Mais j’ai assisté au déclin des populations animales et végétales et à la multiplication des phénomènes météorologiques due au réchauffement climatique, comme les tornades. Là-bas, la fragilité de la nature est visible.»
Une nouvelle ère marquée par l’Homme
L’Anthropocène est un nouveau terme largement utilisé dans toutes les disciplines universitaires pour marquer l’émergence des activités humaines en tant que force géologique et évolutive façonnant la planète. Englobant le changement climatique, la contamination et la perte de biodiversité, le changement planétaire causé par la société génère une controverse politique, ainsi qu’une profonde réflexion scientifique sur la place et la signification de l’humain.