Un projet artistique mené à Sierre a permis à des élèves de végétaliser leur cour d’école pour en atténuer les températures. Il visait également à les sensibiliser aux défis du réchauffement climatique.

TEXTE | Andrée-Marie Dussault

Notre époque est marquée par une prise de conscience des changements climatiques, mais celle-ci ne se traduit pas forcément par des actes et un changement d’attitude. Tel a été le constat de départ d’un projet de recherche innovant conduit par la HES-SO Valais-Wallis – École de design et haute école d’art – EDHEA. «Nous nous sommes questionnés sur les méthodes à mettre en place pour rendre les personnes plus conscientes et les inciter à agir concrètement», indique Alain Antille, professeur à l’EDHEA qui a piloté l’aventure avec l’artiste et chercheure Sara McLaren.

Associant enfants, parentèle et cercle des proches, ce projet a été réalisé de 2019 à 2021 dans le cadre du programme pilote Adaptation aux changements climatiques de l’Office fédéral de l’environnement (OFEV), en partenariat avec la Ville de Sierre, le Canton du Valais et la Fondation pour le développement durable des régions de montagne. Il a permis de créer une dynamique d’adaptation du cadre de vie à l’élévation des températures à travers la réalisation d’oeuvres végétales sous forme de dispositifs artistiques. Dans un premier temps, l’équipe de recherche s’est concentrée sur la conception d’un module pédagogique de sensibilisation aux îlots de chaleur avec le concours d’une classe de l’école primaire de Borzuat à Sierre. «Nous nous sommes intéressés à la cour de l’école, bétonnée et comprenant peu de végétation, détaille Alain Antille. Quelque chose d’assez représentatif de l’urbanisme contemporain.»

HEMISPHERES N°24 Prédire les futurs // www.revuehemispheres.ch
Générée depuis la plateforme Google Earth Engine, cette carte de la ville de Sierre a été obtenue à partir de données satellitaires. Elle présente un état des lieux des températures au sol durant le mois de juillet 2019, vers 10h du matin. Les zones en rouge indiquent les endroits où la température est la plus élevée. | © VILLE DE SIERRE, WWW.SIERRE.CH

Un dispositif végétal imaginé par les élèves

Organisé en trois étapes – Explore ta cour, Rêve ta cour et Végétalise ta cour –, le projet a permis aux élèves d’être sensibilisés aux îlots de chaleur et d’imaginer des dispositifs végétaux susceptibles d’en atténuer les effets. «Plusieurs outils pédagogiques ont été utilisés pour stimuler leur créativité, en particulier le travail collaboratif et les jeux de rôle, poursuit le professeur. L’exercice consistait à devenir tour à tour climatologue, paysagiste, urbaniste, architecte, artiste…» Ne possédant pas toutes les compétences nécessaires pour végétaliser la cour, l’école a travaillé avec le paysagiste Nicolas Fontaine et l’architecte de la Ville de Sierre Laurence Salamin. Le projet final a été présenté aux autorités politiques de Sierre. Conçue et animée par les élèves eux-mêmes, cette présentation a pris la forme d’un parcours illustrant les trois étapes de leur exploration: déambulation et observation collective de la cour, présentation des différents panneaux de recherche élaborés au fil des mois et, enfin, présentation d’un projet concret de végétalisation touchant une zone particulière de la cour d’école.

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Le philosophe et enseignant Alain Antille a constaté que les enfants sont à la fois curieux et soucieux des enjeux climatiques et qu’il leur arrive de ressentir de l’éco-anxiété. | © FRANÇOIS WAVRE | LUNDI 13

«Les élèves ont expliqué aux élues et élus les raisons qui les ont conduits à imaginer ce dispositif particulier, qu’il s’agisse du choix des plantes, des matériaux de construction ou de l’agencement de l’espace dédié, souligne Alain Antille. Ils ont également chiffré le gain en termes de zone ombragée et fourni un budget. Les autorités ont apprécié l’originalité, mais aussi le caractère précis de la présentation. Elles ont donné leur accord pour que ce dispositif de végétalisation soit réalisé dès la reprise des classes.» Les élèves ont ainsi pu participer à la construction du dispositif végétal qu’ils ont imaginé. «Nous avons constaté que les enfants sont à la fois curieux et soucieux des enjeux climatiques, témoigne Alain Antille. Nous avons aussi parfois ressenti de l’éco-anxiété. Les jeunes sont disposés à acquérir des compétences leur permettant d’agir pour améliorer leur cadre de vie. Ils contribuent ainsi à la formation d’une conscience citoyenne.» Les élèves ont exercé un rôle de médiation et de relais auprès des adultes, qui s’est révélé efficace: «Beaucoup de contacts que nous avons noués ont été facilités par les enfants.»

Le Module pédagogique Un îlot de fraîcheur pour ma cour d’école peut désormais être proposé dans d’autres établissements scolaires confrontés au problème d’un aménagement extérieur insuffisamment végétalisé. Il a été mis en forme pour permettre aux enseignant·es de le conduire de manière autonome. Il peut être précédé de deux journées de formation durant lesquelles les différentes activités sont présentées et exercées.

Îlots de fraîcheur sur une place publique

Dans un deuxième temps, l’équipe de l’EDHEA a travaillé à l’aménagement d’un espace récréatif de la ville de Sierre comme un lieu de rencontre pour les habitantes et les habitants du quartier, mais aussi de sensibilisation au réchauffement climatique et à l’importance de la végétation: «Des îlots de fraîcheur composés de plantes et d’arbustes ont été installés, ainsi qu’un nid-agora circulaire pouvant accueillir un grand groupe, décrit Alain Antille. Une peinture au sol figurant des ondes de chaleur selon le code couleur des caméras thermiques complète le dispositif.»

Les différents aménagements ont été conçus et réalisés avec le concours d’enfants et d’habitant·es du quartier au fil de plusieurs ateliers participatifs. Un deuxième module pédagogique a été élaboré pour ce lieu particulier. Il permet à des enseignant·es de la ville de Sierre d’y amener leur classe pour un après-midi de sensibilisation aux îlots de chaleur. Grâce à l’implication directe de ces publics dans la conception et la réalisation de ces dispositifs artistiques, cette démarche a montré que chacune et chacun peut contribuer aux nécessaires changements de comportement requis par l’évolution du climat, estime le professeur: «La prise de conscience individuelle peut et doit se traduire par des actes et ce passage se fait d’autant plus aisément qu’il mobilise les énergies du groupe ou du collectif».