TEXTE | Geneviève Ruiz
IMAGES | Klaus Frahm
Le « Quatrième Mur » est un concept théâtral utilisé par les acteurices pour désigner un mur invisible qui sépare la scène du public. Le photographe Klaus Frahm l’a choisi pour intituler sa série menée depuis 2010 sur les théâtres. Ce spécialiste en architecture établi à Hambourg avait alors photographié un théâtre depuis la partie arrière de la scène dans le cadre d’un mandat. « Sur le chemin du retour, j’ai été fasciné par le point de vue inédit qu’offraient ces images et j’ai souhaité l’approfondir. Il proposait une ouverture sur quelque chose de différent. » Lui qui ne fréquente que très occasionnellement les théâtres et les opéras se met à étudier compulsivement leur architecture et à sélectionner ceux qu’il souhaite photographier. D’abord en Allemagne, puis dans le reste de l’Europe : Italie, Espagne, Grande-Bretagne, Suisse… Klaus Frahm a photographié plus de 70 théâtres en quatorze ans et son travail est toujours en cours. « Ce sujet ne s’épuisera jamais, du moins je ne le souhaite pas. Chaque théâtre a sa personnalité propre, avec une scène plus ou moins large, des éclairages plus ou moins présents. Le photographier vide révèle une facette différente de son âme. »
Ce qui est fondamental dans le projet Fourth Wall, c’est que les éléments techniques qui font fonctionner le théâtre se trouvent au premier plan. « Le contraste entre les machines des coulisses et la mer de sièges en velours, souvent dans un décor quelque peu baroque, me fascine. Il révèle la matérialité de la puissante machine à rêver qu’est le théâtre. » Fourth Wall, c’est un retournement de point de vue, qui brise précisément ce mur transparent : « Ici, l’espace réservé au public devient plat comme une carte postale et l’espace réel du théâtre est exploré dans de multiples directions. Cela questionne la hiérarchie traditionnelle de la scène et du public. Pour le psychanalyste Jacques Lacan, une image est un regard tourné vers l’extérieur car les points lumineux envoient des rayons au spectateur. Mes images regardent le spectateur, en quelque sorte. »