Les loisirs sont le reflet de nos passions, mais aussi de notre parcours ou de nos valeurs. Pour certaines personnes, ils deviennent un engagement ou se transforment en un métier. Cinq portraits explorent cette ligne poreuse.
TEXTE | Anne-Sylvie Sprenger
IMAGES | Hervé Annen
« C’est dans le partage que je vibre le plus »

Aurore Grosclaude, 27 ans
Concertiste et professeure de piano au Conservatoire de Lausanne
« Je suis née dans une famille de musiciennes et musiciens amateurs, évoque Aurore Grosclaude. Ma mère jouait bien du piano. C’est donc très instinctivement que je m’y suis mise. Au début, c’étaient des improvisations, des jeux et des quatre-mains. » Très vite, on inscrit Aurore au Conservatoire de Lausanne, où elle rencontre une « prof géniale », devenue aujourd’hui sa collègue. « La boucle est bouclée », s’amuse cette jeune femme qui est passée, dans la même institution, du statut d’élève amatrice à étudiante professionnelle, puis à professeure auprès de jeunes musiciens. Celle qui pourrait discuter pendant des heures de sa passion confie : « Dès mes 12 ans, j’avais la conviction que je pouvais faire de ma passion mon métier. » À cet âge-là, elle se rêve surtout sur scène. Mais avec les années, elle s’entiche également de pédagogie au point d’aller jusqu’à obtenir un Master en la matière. Aurore Grosclaude a d’ailleurs autant de plaisir à enseigner à des enfants amateurs qu’à de jeunes adultes empruntant une voie professionnelle. Parallèlement, elle poursuit sa carrière de soliste et de chambriste tout en finalisant un doctorat en interprétation musicale. « Sur scène ou en classe, je me situe toujours dans la transmission, fait-elle remarquer. Pour moi, c’est précisément cela, le concept de la musique : c’est dans le partage – tant avec mes élèves qu’avec le public – que je vibre le plus. »
« Je suis arrivée dans l’univers des trains miniatures par hasard »

Sylvia Bonvin, 68 ans
Directrice de la Fondation suisse des trains miniatures Crans-Montana
« Au-delà des trains miniatures, c’est la grande histoire du rail que l’on vient côtoyer ici », dépeint Sylvia Bonvin, à la tête du Musée suisse des trains miniatures à Crans-Montana depuis bientôt dix-neuf ans. Très impliquée dans son travail qui consiste aussi à guider les visiteuses et les visiteurs dans un impressionnant dédale de maquettes et de collections uniques, la conservatrice sonde les intérêts de ses interlocutrices et interlocuteurs afin de mieux titiller leur curiosité. Côté technique, historique ou artistique, la Valaisanne a assurément des anecdotes pour tous les goûts. Même sur ses rencontres avec des ferroviphiles compulsifs, qui se font livrer en cachette (comprenez : dans le dos de leur épouse) leurs achats à la boutique du musée. « Ils préfèrent parler de ferrovipathie, mais je n’aime pas ce terme : ça sonne comme une pathologie ! » À l’entendre parler de son musée, difficile de ne pas croire Silvia Bonvin passionnée de trains depuis toujours. Cette enseignante de formation, restée vingt ans mère au foyer, assure pourtant être « arrivée dans cet univers par le plus grand des hasards », alors qu’elle cherchait un emploi dans lequel utiliser ses compétences. Férue de lecture et d’histoire, elle s’est alors documentée à tout-va sur les trains, qu’ils soient de taille réelle ou miniatures, dont elle a intégré aussi bien les différents prototypes que les mécanismes dans les moindres détails. Si sa fascination pour le rail est manifeste, dans le privé, un autre domaine capture également son intérêt : la broderie sur costume valaisan. « Si je vous en parle, je peux avoir les yeux qui brillent ! » Sylvia Bonvin n’est pas sectaire pour autant : « J’aime aussi tricoter. Pas un bébé ne naît dans le village sans que je ne lui fasse une paire de chaussons ! »
« Les skaters avaient l’air si cool, avec leurs habits à la mode un peu punk »

Yves Marchon, 47 ans
Skater et réalisateur de films de skate
« J’ai découvert le skate dans la rue, à l’âge de 10 ans », se remémore le Fribourgeois Yves Marchon. En plein cœur de la vieille-ville, son regard est soudain « captivé par une bande de skaters, avec leur tremplin et leur jump. Ils avaient l’air si cool avec leurs habits à la mode un peu punk de l’époque », s’amuse-t-il. Après s’être essayé au foot, le préado est séduit par la liberté de cette discipline : « Il n’y a pas de règles ni de coach auxquels on doit obéir, on peut faire ce qu’on veut. » De ses propres mots, il confie que « le skate est rapidement devenu une obsession », mais aussi « un refuge » pour ce jeune d’origine modeste. Sa passion ne l’a jamais quitté. S’il s’est lancé un temps dans la compétition, il s’est surtout spécialisé dans un domaine adjacent, à savoir la réalisation de films consacrés à cette discipline. À cet effet, il a d’ailleurs monté sa boîte de production. « Le milieu du skate se veut éternellement jeune et inconséquent. Pour paraître cool, le skater doit jouer sur cette image d’immaturité. Mais en réalité, il n’en est rien, explique-t-il. Pour réussir, il faut beaucoup de travail, d’entraînement et d’ambition. » Aujourd’hui, Yves Marchon a choisi de baisser la pression : « J’ai juste envie de faire du skate pour mon plaisir. » Ce qui ne l’empêche pas d’en faire au minimum 3 fois par semaine.
« Ma plus grande fierté ? Que des familles puissent à nouveau skier ensemble »

Valérie Vaucher, 57 ans
Fondatrice de Verbier4all
En 2019, Valérie Vaucher a fondé l’association Verbier4all, qui met gratuitement à disposition du matériel de sport (handiski, fauteuils tout-terrain et vélos), ainsi que des accompagnantes et des accompagnants bénévoles au service de personnes en situation de handicap. Rien ne la prédestinait à s’engager dans ce secteur, si ce n’est son goût pour le ski, attrapé très tôt. « Malgré des revenus modestes, ma maman m’a toujours emmenée au ski. Le dimanche matin, on prenait les autobus lausannois pour rejoindre les pistes. » Avec son mari et ses deux enfants, ils forment « une famille de sportifs », qui a longtemps vécu entre les États-Unis et le Valais. Vers l’âge de 10 ans, leur fille reçoit le diagnostic d’une maladie génétique, qui va peu à peu lui faire perdre ses capacités motrices. Mais il lui est inimaginable d’être privée de ce plaisir. Après s’être formée en tant qu’accompagnante de ski assis, Valérie Vaucher décide de fonder cette association, qui fonctionne aujourd’hui avec une quinzaine de bénévoles. Sa plus grande fierté ? « Que des familles puissent à nouveau skier ensemble ! » Quant à sa fille, elle ne saurait se limiter au ski : l’automne dernier, mère et fille ont participé à une compétition de surf adapté en Californie. « J’avoue que nous sommes un peu hyperactifs dans la famille ! »
« Protéger la nature est devenu une philosophie de vie »

Timothée Steiner, 30 ans
Chef de projet chez Summit Foundation Vevey
D’aussi loin qu’il se souvienne, Timothée Steiner a toujours aimé les grands espaces. « Petit, je passais beaucoup de temps en forêt, à faire des cabanes, ou à marcher en montagne avec mes parents », raconte cet enfant de La Broye qui s’engage aujourd’hui pour l’environnement. « Quand je faisais une bêtise, on ne m’envoyait d’ailleurs pas dans ma chambre, mais dehors », partage-t-il, amusé. Cette punition aurait pu le dégoûter de l’extérieur, mais il en a été tout autrement : durant ses études en biogéo-sciences, il s’engage en faveur de diverses initiatives pour lutter contre les déchets sauvages, ou littering. Il participe notamment à plusieurs opérations de ramassage de mégots dans les rues de Payerne. Avec un groupe d’amis, il mène des opérations de nettoyage de plages ou de forêts qu’il partage sur les réseaux sociaux. « On m’a appris à prêter attention aux choses qui m’entourent. À partir de là, protéger la nature est devenu une philosophie de vie. » Timothée Steiner est aujourd’hui chef de projet chez Summit Foundation, dont l’objectif consiste à réduire l’impact humain en montagne et qui organise notamment des collectes de déchets dans les stations de ski. « Nous ne cherchons pas à faire la morale aux gens, précise-t-il. Mais à les sensibiliser sur cette question à travers différents types de campagnes. »

