Le domaine Ingénierie et Architecture fait partie de la HES-SO depuis ses débuts en 1998. De nombreux instituts de recherche émanent de cette communauté de six hautes écoles dont les sites sont répartis dans sept cantons. Les thématiques abordées vont de l’ingénierie des médias aux technologies industrielles, en passant par la gestion de la nature.


Haute école du paysage, d’ingénierie et d’architecture de Genève

« Ce qui me plaît, c’est de trouver la façon d’exploiter un nouveau type de matériau »

HEMISPHERES-N°25 Vivre avec les instabilités // www.revuehemispheres.ch
PHOTO : LOUIS BRISSET

Tout au long de son parcours de chercheur, Marc Jobin, professeur à la Haute école du paysage, d’ingénierie et d’architecture de Genève (HEPIA) – HES-SO, a été intéressé par des projets directement liés aux applications dans le domaine de la santé ou de l’énergie. Il réalise d’abord une thèse de doctorat en physique des surfaces à l’Université de Genève, avec une application biomédicale sur des implants dentaires en titane. Suite à cette expérience, il travaille comme ingénieur d’application chez un fournisseur de microscope à force atomique. Pendant cette période, le chercheur développe un intérêt pour la microscopie interférométrique, qui permet une cartographie topographique des surfaces des matériaux solides comme les nanocomposants. « Par la suite, j’ai créé une société qui fabrique des nanomanipulateurs, des appareils permettant de manipuler des nanostructures, comme des protéines. Cela a intéressé l’HEPIA à l’époque, que j’ai alors rejointe en 2004. » Dès lors, Marc Jobin y développe des instruments pour la nanotechnologie et les nanomatériaux, et notamment des cellules solaires organiques.

Basées sur des polymères et des nanoparticules de carbone, ces cellules très fines sont peu coûteuses à produire. « Malheureusement, un problème lié à la stabilité du matériau n’a jamais pu être résolu et l’idée a finalement été abandonnée. » Aujourd’hui, le chercheur travaille sur des senseurs de molécules organiques volatiles présentes dans les urines des personnes atteintes de cancer pour détecter la maladie. « Ce qui me plaît dans mes recherches, c’est de trouver la façon d’exploiter un nouveau type de matériau, et le fait que ces nanomatériaux nécessitent de nouveaux instruments de mesure et d’analyse qu’il faut donc développer. Dans un second temps, ce qui m’intéresse, ce sont les applications potentielles de ces structures. Actuellement, je travaille de plus en plus sur des projets liés au photovoltaïque, en lien avec des institutions étatiques ou les communes genevoises. Mon but est de contribuer au déploiement du photovoltaïque de façon plus massive pour accélérer la transition énergétique, à l’aide de modèles et de simulations. »


HES-SO Valais-Wallis – Haute École d’Ingénierie

« Nous souhaitons transmettre notre passion pour le spatial »

La recherche dans le domaine spatial représente une thématique transversale à la HES-SO. Coup de projecteur à Sion, où des ingénieur·es contribuent à des missions spatiales grâce à leur savoir-faire dans l’optomécanique ou les circuits intégrés.

Joseph Moerschell est arrivé à la HES-SO Valais-Wallis – Haute École d’Ingénierie – HEI – HES-SO il y a plus de vingt ans. Avec son équipe, il travaillait alors au développement de technologies optomécaniques pour la téléphonie mobile par satellites. « Ce projet a été abandonné par la suite, notamment en raison de l’arrivée des câbles à fibre optique, moins chers et plus rapides, explique l’ingénieur. Nous avons ensuite pu utiliser ces connaissances dans le cadre du développement d’instruments de recherche spatiale. » Son équipe a ainsi participé à un sismomètre envoyé sur Mars, ainsi qu’à des unités de mesure électroniques intégrées à la mission spatiale internationale LISA Pathfinder en 2015. Alors qu’il entame un projet pour la prochaine mission LISA prévue en 2034, Joseph Moerschell raconte comment son savoir-faire spatial a été consolidé au fil du temps : « Nous ne contribuons pas aux discussions sur des théories du Big Bang, mais développons des modules électroniques essentiels au fonctionnement de missions d’exploration de l’Univers. Il s’agit d’un savoir pointu qui a exigé beaucoup d’investissement. Avec les années, cela a été reconnu autant par l’Agence spatiale européenne que par les nombreux instituts de recherche – dont certains font partie de la HES-SO – ou PME qui travaillent dans le spatial en Suisse. »

HEMISPHERES-N°25 Vivre avec les instabilités // www.revuehemispheres.ch
Une équipe valaisanne a contribué à des unités de mesure électroniques intégrées à la mission spatiale internationale LISA Pathfinder en 2015.

Son collègue François Corthay, également professeur à la HEI, précise que les compétences spatiales au sein de la haute école sont interdisciplinaires : « De mon côté, j’ai beaucoup travaillé au développement de circuits intégrés programmables pour différents instruments spatiaux. D’autres collègues ont contribué à des projets dans le domaine mécanique, dans celui des matériaux, ou encore dans les technologies alimentaires. Actuellement, nous collaborons entre spécialistes de plusieurs disciplines pour développer un équipement de stabilisation d’orientation pour un satellite. » De manière générale, la recherche spatiale a participé à la bonne réputation de la HEI ces dernières années et lui a permis de créer un important réseau de contacts dans ce domaine. « Et ces résultats nourrissent mes enseignements », ajoute François Corthay. Joseph Moerschell souligne de son côté que cette recherche a permis des transferts vers d’autres disciplines avec un ancrage local en Valais, comme la sismographie. Il exprime aussi sa fierté de travailler pour des projets spatiaux qui font avancer la science : « Il s’agit d’un domaine high-tech permettant de concevoir des produits ex nihilo. C’est passionnant et nous souhaiterions transmettre cet intérêt aux jeunes. »


Haute école d’ingénierie et d’architecture de Fribourg

Explorer les vides urbains à Fribourg

Friches, terrains vagues, zones délaissées… Tous ces espaces situés entre des bâtiments, des routes ou des infrastructures constituent des espaces de « vides » urbains. « Si ces espaces sont qualifiés de ‹vides› au sens spatial, il s’agit assurément de ‹pleins› au sens biologique et social, explique Séréna Vanbutsele, architecte et urbaniste, professeure à la Haute école d’ingénierie et d’architecture de Fribourg – HEIA-FR – HES-SO et responsable de l’institut Transform. Ces espaces ne sont pas toujours investis par un usage particulier. Le vide peut aussi se situer au niveau juridique car les affectations de ces terrains font parfois l’objet de procédures administratives ou leurs propriétaires ne s’y intéressent plus. Il y a également un vide temporel quand ces zones sont en attente d’un projet.

De nombreux habitant·es perçoivent les vides urbains comme des endroits de liberté et de biodiversité essentiels pour leur qualité de vie. Ils regrettent que certains soient clôturés et ne souhaitent pas toujours y voir des aménagements trop structurants. | ESTELA SCHAFFNER BRAHIMLLARI // SÉRÉNA VANBUTSELE

La chercheure, qui a auparavant étudié ces phénomènes dans des villes comme Bruxelles ou Genève, a mené le projet Valeur intrinsèque des vides urbains (Vi-Vid) avec l’objectif de caractériser les vides urbains dans une agglomération de taille moyenne comme Fribourg. Financé par le Smart Living Lab – un centre de recherche basé sur le développement de l’habitat du futur –, il a été mené entre 2021 et 2022.

« Nous avons conduit cette recherche sur quatre niveaux, indique Séréna Vanbutsele. Le premier consistait à arpenter la ville pour y observer ces espaces. Le deuxième a consisté à recueillir l’avis des habitant·es au moyen d’un formulaire en ligne et d’entretiens. Nous nous sommes intéressés avant tout à leur perception. Nous avons ensuite analysé les aspects légaux liés à l’aménagement du territoire et comment ils caractérisaient ces espaces. Pour finir, nous avons procédé à une cartographie des friches. »

Les résultats de Vi-Vid soulignent l’importance des espaces vides aux yeux de nombreux habitant·es, qu’ils perçoivent comme des endroits de liberté et de biodiversité essentiels pour leur qualité de vie. Ils regrettent que certains soient clôturés et ne souhaitent pas toujours y voir des aménagements trop structurants comme des lampadaires, des sentiers goudronnés, ou des aires de jeux standardisées. « Notre étude a montré que les potentialités de ces vides urbains sont très diverses, souligne Séréna Vanbutsele. Ces lieux pourraient accueillir des installations temporaires, notamment culturelles. Des bâtiments abandonnés, qui sont par ailleurs aussi perçus comme des espaces vides par les habitant·es, pourraient être revalorisés et réutilisés. Certaines friches peuvent jouer un rôle pour revégétaliser les villes, lutter contre les îlots de chaleur, ou pour le développement de projets d’agriculture urbaine. »


HE-Arc Ingénierie

L’IA pour résoudre des problèmes industriels

Hatem Ghorbel est responsable du groupe Analyse de données à la HE-Arc Ingénierie – HES-SO à Neuchâtel. Le machine learning se trouve au coeur de ses projets.

HEMISPHERES-N°25 Vivre avec les instabilités // www.revuehemispheres.ch
PHOTO : BERTRAND REY

Sur quelles recherches travaillez-vous?
Un de nos projets concerne l’analyse de données spatiales par l’apprentissage profond (deep machine learning). C’est un domaine de l’intelligence artificielle (IA) qui permet aux machines d’apprendre grâce à des réseaux de neurones artificiels. Ce projet, appelé Deep learning for space, est mandaté par l’Agence spatiale européenne. L’objectif est d’évaluer les algorithmes d’apprentissage profond pour l’analyse des données spatiales, notamment de la sonde Mars Express. Avec les données reçues par la sonde, nous réalisons des modèles pour prédire la quantité d’énergie nécessaire pour son fonctionnement dans l’heure qui vient.

Pourquoi est-ce important ?
Cela permet de surveiller la consommation d’énergie et, en cas de problème, d’anticiper les actions à réaliser, comme déclencher une récupération des données. Ce travail avait déjà été réalisé avec des algorithmes de machine learning traditionnels, basés sur des approches statistiques. Mais nous voulons tester si les réseaux de neurones profonds peuvent mener aux mêmes résultats, voire faire mieux.

Utilisez-vous les algorithmes d’IA dans d’autres domaines ?
Nous avons un projet avec une société d’assemblage de pièces métalliques. Une de leurs machines permet d’étaler des pièces sur un tapis roulant pour qu’un robot les prenne. Le problème est que le robot ne peut saisir une pièce que si elle est dans une certaine position. Pour résoudre cette situation, le système produit des vibrations sur le tapis. Notre objectif est donc de configurer ces vibrations pour que la pièce se trouve dans la bonne position. Nous avons développé des algorithmes pour optimiser ce processus.


Haute École d’Ingénierie et de Gestion du Canton de Vaud

Le chemin vers une électricité durable

La pénétration des énergies renouvelables dans le réseau électrique a été étudiée par Jean-François Affolter durant ses 26 ans à la Haute École d’Ingénierie et de Gestion du Canton de Vaud – HEIG-VD – HES-SO.

«Si j’ai choisi de me spécia- liser en électricité dans ma jeunesse, c’est parce qu’à l’époque il s’agissait en Suisse d’une énergie 100% renouvelable qui provenait des barrages hydrauliques », raconte Jean-François Affolter, professeur à la HEIG-VD depuis 1995 et récemment retraité. L’évolution de la consommation a nécessité le recours à d’autres solutions : actuellement, près de 40% de l’électricité suisse est d’origine non renouvelable. » Jean-François Affolter confie que, dans les années 1990, nombre de ses collègues des réseaux ne croyaient pas au potentiel des nouvelles énergies renouvelables. Lui persiste et mène de nombreux projets en lien avec leur intégration dans le réseau électrique. L’un des plus approfondis, Étude sur la pénétration des nouvelles énergies renouvelables dans le réseau basse tension, date de 2014 et a été conduit en collaboration avec la Haute école d’ingénierie et d’architecture de Fribourg – HEIA-FR, la HES-SO Valais-Wallis – Haute École d’Ingénierie – HEI et la HE-Arc Ingénierie. « Dans ce cadre, nous avons procédé à des simulations pour comprendre comment gérer le réseau quand une partie de l’électricité qui l’alimente dépend de la météo, explique Jean-François Affolter. Nous avons développé des outils intelligents pour mieux anticiper ces pics. Ce thème de recherche a perduré sous la forme de nombreux autres projets car notre réseau électrique doit constamment s’adapter à de nouvelles évolutions. L’une des plus récentes est l’électrification de la mobilité, avec des voitures de plus en plus nombreuses qui doivent être rechargées simultanément. »

Le professeur regrette une chose : « Depuis quelques années, nous peinons à attirer des vocations pour la gestion des réseaux électriques. Ils souffrent d’un déficit d’image car sont perçus comme une infrastructure lourde et l’électricité produite à base de gaz ou de charbon est polluante. » Malgré ce défi, Jean-François Affolter continue de croire à son combat initial. Il souhaiterait qu’au niveau énergétique global en Suisse, la part de 70% d’énergie non renouvelable contre 30% d’énergie renouvelable qui prévaut actuellement s’inverse : « Les principaux obstacles sont un peu d’ordre technologique – notamment le stockage –, mais surtout politique et financier… Toutefois, rien n’est impossible ! »


CHANGINS – Haute école de viticulture et oenologie

Des arbres pour aider la vigne face au changement climatique

La vigne aussi souffre de l’urgence climatique, principalement de l’augmentation de la fréquence des sécheresses et des vagues de chaleur. Ces stress impactent fortement la qualité des vins et les méthodes de viticulture. Pour y remédier, une équipe de CHANGINS – Haute école de viticulture et oenologie – HES-SO menée par le professeur Markus Rienth et l’Institut de recherche de l’agriculture biologique, conduisent actuellement un projet de vitiforesterie sur une parcelle existante. Si la pratique consistant à cultiver ensemble la vigne et des arbres est empirique, il existe peu d’études scientifiques à ce sujet. Le but est donc d’évaluer les effets que les arbres peuvent avoir sur la vigne, comme l’ombre offerte en été, en quantifiant la disponibilité en eau et en nutriments, la qualité du raisin ou encore les interactions au niveau du sol.